<%@LANGUAGE="JAVASCRIPT" CODEPAGE="CP_ACP"%> Maurice Marois
Accueil > Institut de la Vie > Science et responsabilité

Institut de la Vie

 

logo iv

 

«La vie, facteur d'unité»

Une éthique (suite)

LE CHOIX

Extrait de l’allocution de M. Maurice MAROIS au cercle Interallié – 1er décembre 1971

 

Un à un, la science réalise les plus vieux rêves des hommes. Pourra-t-elle une fois encore conjurer la fatalité et donner un autre visage à la condition humaine ? La biologie dans un avenir prévisible rendra-t-elle accessible le rêve des rêves : tenter de faire mieux que la nature en modelant l’homme à notre gré ? Modifierons-nous radicalement notre propre définition ? Jusqu’où irons-nous trop loin ? Nous ne devons pas considérer frileusement, peureusement, les pouvoirs de la science. La seule manière virile de les dominer est d’en mesurer l’étendue et de définir les fondements de notre éthique. Quel type d’homme voulons-nous ? Tous les moyens sont-ils bons pour atteindre nos fins ?

Tout ce qui a trait à l’homme, à la vie, au meilleur accomplissement de ses potentialités, au pouvoir d’intervention sur son propre protoplasme, va poser des problèmes de choix, d’une exceptionnelle gravité.

L’Institut de la Vie le sait depuis sa fondation. Il se prépare depuis onze ans à ce rendez-vous que l’histoire lui propose.

Retour au sommaire

 

ENTRE DEUX EXPLOSIONS

compte-rendu d’une intervention de M. Marois à la radio
(février 1972)

Mots clés : explosion démographique, eugénisme, valeurs de société, institutions.

Témoignage d’un éducateur

Parce que la mission de l’éducateur ne se limite pas à la seule famille, aux seuls gosses dont il a la charge discrète, parce que cette mission s’insère dans un complexe beaucoup plus large, il nous a paru intéressant d’ouvrir notre horizon à la fois aux dimensions du monde moderne, dans ses problèmes sociaux, démographiques… mais aussi aux dimensions de la science moderne dont les possibilités sont de plus en plus importantes. Certes, nous ne sommes pas des scientifiques.

Mais notre tâche de travailleur social se situe entre ces deux « explosions ». Quelle société servons-nous ? Quelle société voulons-nous ? En fonction de quelles valeurs la société s’organise-t-elle ? s’organisera-t-elle ?

En fonction de quoi faisons-nous de l’éducation ?

Qu’est-ce qu’éduquer ?

Pour nous permettre de poser le problème, nous avons demandé au Professeur Marois, de la Faculté de Médecine de Paris, et Président du Conseil d’administration de l’Institut de la Vie, de bien vouloir nous autoriser à reproduire le texte d’une de ses plus récentes interviews.

Maurice Marois :

« Je pense que la condition humaine est bouleversée à cause des moyens que l’homme se donne à lui-même par la science : la science donne à l’homme un pouvoir sans mesure dont aucune sagesse nouvelle ne vient régler l’usage.

La science place l’homme entre l’explosion atomique et l’explosion démographique, et voici qu’elle approche d’un nouveau point critique, celui où l’homme pourra transformer l’homme. Et il est vrai que les hommes de science s’interrogent gravement sur les nouveaux aspects de notre condition humaine. »

  1. « Ceux qui ont mérité… »

« Par exemple, s’est tenu récemment un Congrès à Londres, où 27 hommes de science – dont de nombreux Prix Nobel – se sont demandés quel visage aura l’humanité quand la science aura achevé de bouleverser les conditions de notre vie. Et ils ont conclu, par exemple, que puisqu’il n’y a pas assez de place sur la terre, et que le développement de la vie ne peut pas se faire de façon illimitée, la vie se heurte à certaines limites… alors, il faudra bien choisir ceux qui… mériteront d’être invités au banquet de la vie.

Et voici que ces hommes de science ont ressuscité les anciennes théories de l’eugénisme : puisqu’on ne peut pas inviter tout le monde à la vie… qui aura le droit de vivre ?

Qui allons-nous choisir d’inviter ?

Ils ont défini quatre critères :

  1. la longévité ;
  2. la résistance aux maladies ;
  3. un quotient intellectuel élevé ;
  4. le quatrième critère est l’agressivité, vertu sociale par excellence pour certains de ces hommes de science.

Ayant ainsi défini ceux qui auront mérité d’être appelés à la vie, le problème s’est posé de savoir comment convaincre les géniteurs qui ne porteraient pas ces caractères privilégiés. Comment les convaincre de s’abstenir de se reproduire ?

Plusieurs propositions ont été faites : des pénalités allant jusqu’à l’emprisonnement, des amendes ou au contraire des décorations pour proposer à l’estime de leurs contemporains ceux qui auront bien mérité de la société… »

  1. « La partie de l’espèce… »

« Finalement, c’est Pincus, l’inventeur de la fameuse pilule, qui a proposé une solution apparemment satisfaisante pour la plupart de ces hommes de sciences. Pincus a dit en substance : « J’ai trouvé la méthode anticonceptionnelle par excellence, elle est active par voie buccale : je la mets dans la nourriture et je stérilise toute la terre. Puis, on trouvera bien une seconde drogue qui rendra la fécondité à ceux qui en auront été ainsi privés.

La science va vite : aujourd’hui cette seconde drogue est trouvée. La science va tellement vite que récemment j’assistais à un congrès aux Etats-Unis où le successeur de Pincus nous annonçait que ces drogues sont désormais solubles dans l’eau.

Voilà quelques-uns des problèmes qui ont été évoqués par ces grands hommes de science. Leur conclusion a été celle-ci : l’homme a-t-il droit à la procréation ? Autrefois, c’était un devoir pour l’homme de procréer parce que la partie de l’espèce n’était pas gagnée sur la terre ; aujourd’hui, ce n’est plus un devoir, ce n’est même plus un droit individuel : seule la société devra régler le nombre des citoyens d’une société, et les qualités du citoyen idéal.

Il va sans dire que je ne partage absolument pas ces points de vue sommaires. »

  1. « Il est inopportun… »

« L’un des plus grands savants de ce temps, Prix Nobel, qui a participé à ce Congrès – il a découvert la structure en double hélice des acides nucléiques – a dit : « De nouvelles définitions légales de la vie et de la mort sont nécessaires, si on ne veut pas que l’explosion démographique pose un problème de qualité, autant que de quantité. » Il propose par exemple qu’on ne déclare pas immédiatement le nouveau-né et qu’on attende le deuxième jour pour savoir si les parents – ou la société – estiment qu’il est mal venu. Il considère également qu’au-delà de 80 ans il est inopportun que la société continue d’aider les vieillards à survivre, et il suggère qu’à 80 ans, tous les hommes soient rayés de l’état civil, donc considérés comme morts, ce qui dispenserait la société d’entretenir par des moyens coûteux des hommes « inutiles ». 

Vous voyez jusqu’où va Crick : « Je suis parfaitement conscient, dit-il, des problèmes éthiques posés par de telles prises de position. » Et le savant britannique poursuit : « Je ne crois pas un mot de ce principe traditionnel selon lequel tous les hommes sont nés égaux et sacrés. »
D’une certaine manière, Crick est très courageux puisqu’il va jusqu’au bout de sa logique. Mais là non plus, je ne peux adhérer à de telles prises de position, à de telles attitudes.

Notre époque s’interroge sur la vie et sur la mort : dès aujourd’hui le problème se pose à propos des mongoliens, puisque dès le quatrième mois de la grossesse, on peut savoir si l’enfant est mongolien ou pas ; il suffit d’une ponction de liquide amniotique, et d’un examen au microscope des cellules embryonnaires recueillies. Si l’on observe trois chromosomes 21 au lieu de deux, l’enfant sera mongolien… ce qui donne à la mère la possibilité d’avorter.

Vous savez que le problème de l’avortement dans le cas d’anomalies génétiques est actuellement discuté au Parlement. Un mongolien a-t-il ou non droit à la vie ? »

  1. « L’inadaptation des institutions… »

« Je crois que nous n’échapperons pas à cette question fondamentale : quelles sont les valeurs sur lesquelles nous voulons fonder notre société, et qui doivent déterminer nos choix ?

Et le problème va se poser plus gravement encore au moment où le pouvoir nous sera donné d’intervenir sur le protoplasme humain, pour le façonner, pour corriger la nature, et faire mieux qu’elle, en agissant sur les séquences d’acides nucléiques que constituent nos chromosomes.

Un autre savant, également Prix Nobel, mais inquiet, Nierenberg, a cité le Prix Nobel, Salvadore Luria, dans un article publié dans la revue américaine Science : « Le progrès de la science est si rapide qu’il crée un déséquilibre entre le pouvoir qu’il donne aux hommes et les conditions sociales dans lesquelles s’exerce ce pouvoir. 

Les mises en garde des savants, l’étendue de l’information du public, la sagesse des citoyens, ne sauraient compenser l’inadaptation des institutions pour affronter les situations nouvelles. »

C’est pour affronter ces situations nouvelles qu’a été créé l'Institut de la Vie ; c’est un haut lieu, où des hommes de toutes les philosophies, de toutes les classes sociales, de tous les types d’activités, réfléchissent ensemble sur les grands problèmes que la science pose à la Vie. »

Retour au sommaire

page précédente / 1 / 2 / 3 / page suivante

 

haut de page