La foi (suite)
Sur le schéma XIII
Texte de Maurice Marois
remis au cardinal Alfrink le 29 octobre 1964.
La révolution scientifique, irrésistible, irréversible, est un des signes de notre temps. La science est pour l’homme un instrument de libération et de progrès. Elle lui apporte la maîtrise de la terre et d’une parcelle de l’univers. Elle est la pointe fine de l’effort humain qui s’aventure à explorer le cosmos et à déterminer ses lois. Elle enrichit la conception que l’homme se fait de lui-même et du monde. Elle pose à l’homme le problème de sa place dans l’univers et du destin de son espèce.
La charte fondamentale de la science est l’objectivité, l’honnêteté intellectuelle, la soumission au réel et, pour la plupart des savants – le service de l’homme.
Mais voici que trois tentations immédiates sollicitent la science :
- La tentation de la puissance temporelle : le rôle social et politique de la science grandit ; elle est le support de la prospérité des sociétés.
- La tentation du confort intellectuel par le refus des problèmes de responsabilité et de liberté.
- La tentation philosophique, la saine démarche de la pensée rationnelle arrêtant son élan pour justifier le matérialisme athée.
Ces tentations sont comme les maladies d’enfance de la science.
Déjà se posent les problèmes de la maturité. Ils mènent de la liberté à l’amour, de la connaissance à la contemplation.
Science et liberté
- La liberté peut être victime des rapports entre science et puissance. Car la science sécrète la puissance et la puissance asservit la science. Or la liberté est la condition essentielle de la création scientifique : liberté du choix des sujets, liberté de la divulgation des connaissances. Toute contrainte extérieure limitant ces libertés aliène la vocation de la science à l’universel. La seule limitation ne peut être que morale, dans le choix des méthodes de recherche qui ne doivent pas attenter au respect de la personne.
- A l’articulation de la science et de la liberté se situe le problème du bon usage de la puissance que la science donne aux hommes. La science place l’homme entre l’explosion de l’atome et l’explosion démographique. Elle donne à l’homme l’arme atomique absolue et l’arme absolue contre l’ovule. Mais voici que la science approche d’un autre point critique : celui où l’homme pourra transformer l’homme. Ainsi la science est-elle un instrument du destin collectif et personnel de l’homme.
Dans tous les cas, la vie, première universalité, se trouve concernée, vie dont la science a rendu la situation prospère et précaire.
La nécessité éclate d’une subordination de la liberté à un ordre supérieur : l’amour apparaît comme l’unique voie de salut.
Connaissance et dépassement
En inventoriant le monde, la science s’approche le plus de l’idée que Dieu s’est fait du monde en le créant. La science peut être un tremplin pour la méditation métaphysique : la démarche progresse de la quête avide et ardente de l’inconnu à la joie de découvrir les lois de l’univers ; l’admiration de la beauté de la création s’amplifie en un chant de gloire au Créateur. La contemplation se sublime en adoration de Dieu.
L’Église ne considère pas la science comme figée dans les erreurs scientistes passées. Elle ne méconnaît pas la crise spirituelle de la science.
Puissent les hommes de science reconnaître la grandeur nouvelle à laquelle ils sont appelés en chantant la gloire de Dieu et en construisant son Royaume.
Quelques QUESTIONS sur l’EGLISE et la SCIENCE
Pourquoi le Concile doit-il traiter de la science ?
- Parce que la science est l’un des premiers parmi les « signes des temps » ;
- Parce que la science, tête chercheuse de l’humanité, refait en sens inverse le cheminement du Verbe créateur ;
- Parce que l’Église a accueilli la science, l’a protégée et l’a sans doute sauvée.
- Parce que l’Église et la science peuvent d’entente sauver l’homme, corps et âme, en lui permettant d’épanouir sa vocation au bonheur.
Comment le Concile doit-il traiter de la science ?
- Sans crainte : la science est la quête de tout le réel œuvre de Dieu, par les moyens de connaissance que Dieu a donnés à l’homme. Comment craindre une opposition entre la foi et la science ?
- Sans prétention : l’Église ne peut remplacer la science. Elle la favorise, accueille avec admiration ses découvertes sans cesse renouvelées, la guide même jusqu’à dresser devant ses méthodes et ses applications les barrières qui protègent la liberté de l’homme.
- Sans illusion : la volonté de l’homme, qu’il commande ou obéisse, détermine la puissance politique ; l’intelligence de l’homme, qu’il dévoile ou utilise les secrets de l’univers, détermine la puissance scientifique. C’est un signe des temps que cette puissance scientifique soit désormais plus importante que la puissance politique.
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