Travaux scientifiques
La nécessité où je me trouve de parler à la première personne m’offre du moins l’attrait de rendre hommage à mes Maîtres.
Thèse pour le doctorat en Médecine
coupe d'une corne utérine (x7) |
«Le rôle de l'utérus dans le contrôle hormonal du relâchement des ligaments pelviens» 20 octobre 1950 |
Directeur adjoint à l’Ecole pratique des Hautes Etudes près le Collège de France.
En 1945, M. COURRIER, Professeur de « Morphologie expérimentale et Endocrinologie » au Collège de France, me fit l’honneur de m’accueillir dans son laboratoire. Il fut pour moi un Maître dans l’acception la plus noble et la plus riche du terme.
Nommé en 1946 Attaché de Recherches au C.N.R.S. et en 1950, Chargé de Recherches, je quittai la même année le C.N.R.S. Je venais d’être désigné comme titulaire, au poste de Directeur adjoint du Laboratoire de « Morphologie expérimentale et Endocrinologie » de l’Ecole pratique des Hautes Etudes près le Collège de France.
I. Un problème d’endocrinologie sexuelle : l’intervention de l’utérus dans le contrôle hormonal du relâchement de la ceinture pelvienne.
Le relâchement de la ceinture pelvienne marque chez le cobaye la fin de la gestation et rend possible l’accouchement. Le même relâchement s’observe en dehors de la grossesse chez le cobaye ovariectorisé traité par des doses choisies d’œstradiol et de progestérone. L’hystérectomie entraîne la fermeture de la symphyse. Notre démonstration apportait des arguments tirés de la physiologie et de la morphologie expérimentale, en faveur de la spécificité de la relaxine, hormone découverte en 1929, mais dont l’existence fut longtemps contestée.
Endomètre (x90)
Je consacrai à ce problème ma thèse de Médecine ; et l’ensemble de mes recherches sur ce sujet me valut le Prix Montyon de physiologie de l’Académie des Sciences, le Prix Janssen de l’Académie de Médecine, le Prix Châteauvillard et la Médaille d’argent de la Faculté de Médecine de Paris.
Après cette étude de morphologie expérimentale, M. COURRIER m’a proposé d’aborder avec les techniques les plus nouvelles quelques problèmes d’endocrinologie.
Myomètre (x90)
II. Radioéléments, endocrinologie et physiologie : fixation de la thyroxine radioactive dans la posthypophyse, éveil de la fonction thyroïdienne, perméabilité capillaire et radiosodium.
C’est ainsi que je fus initié au maniement des radioéléments dans le laboratoire du savant qui avait découvert la radioactivité artificielle. Avec l’équipe des chimistes des laboratoires de Chimie nucléaire et de « Morphologie expérimentale et Endocrinologie » du Collège de France, nous avons étudié le destin physiologique et métabolique de la première hormone marquée à l’aide d’un radioélément, la thyroxine. La découverte de la pénétration élective de la thyroxine dans la posthypophyse couronna cet effort, et je fus désigné pour présenter au Congrès des Endocrinologistes de langue française de 1951 le rapport sur la régulation de la fonction thyroïdienne étudiée à l’aide des radioéléments. Nous avons recherché aussi les relations avec les récepteurs, d’une hormone œstrogène : l’acide dimethyléthylalenolique, marqué avec du radiobrome.
Nous vivions alors la période héroïque de l’application à la biologie de la méthode des radioéléments. A cette époque nous avons étudié avec MM. JOST et MOREL l’éveil de la fonction thyroïdienne de l’embryon de lapin et l’affinité pour le radio-iode de le la thyroïde chez le fœtus décapité. Avec M. MOREL, enfin, nous avons mis au point l’une des premières méthodes d’exploration de la perméabilité capillaire, grâce au radiosodium.
En raison de cette spécialisation précoce, j’ai été appelé à participer très tôt à l’enseignement organisé pour les utilisateurs de radioéléments, par le Commissariat à l’Energie atomique, le Centre national de la Recherche scientifique et l’Institut national d’Hygiène.
III. Morphologie expérimentale, biochimie et endocrinologie.
Après la physique nucléaire, la biochimie est venue collaborer avec la morphologie et l’endocrinologie. M. COURRIER m’a associé à une équipe avec M. Jean ROCHE et son école. La purification de la relaxine, la découverte de la concentration du radio-iode dans le jaune de l’œuf de poule, la démonstration du passage de l’iode radioactif dans le lait, l’étude du métabolisme des protéines iodées, tels furent les premiers fruits de ce travail commun. Ces travaux de recherche pure sur le passage d’un radioélément dans le lait ou sa concentration dans le jaune de l’œuf ont eu des prolongements pratiques importants, car ils ont démontré les dangers de l’entrée dans les cycles biologiques de certains déchets radioactifs.
IV. Sur l’action biologique des rayonnements.
De l’utilisation des radioéléments à l’étude de l’action biologique des rayonnements, il n’y avait qu’un pas : je l’ai franchi en 1953 et je publiai en 1954 avec M. BACLESSE, Chef de Service de la Fondation Curie, ma première communication sur ce sujet. Nous avons démontré que l’hypothermie provoquée par l’administration de chlorpromazine associée au refroidissement augmente la résistance aux rayons X du rat mâle adulte.
J’ai constaté plus tard que ce procédé de l’hypothermie protège l’embryon du rat contre les malformations provoquées par les radiations ionisantes, mais n’est d’aucun secours contre l’apparition tardive de tumeurs.
J’ai présenté au Colloque sur les Défenses de l’Organisme organisé à la Faculté de Médecine de Bordeaux un rapport sur « Les défenses de l’organisme contre les radiations ionisantes ». Le Ministère de la Santé Publique m’a nommé membre de la commission de la protection sanitaire civile et membre correspondant de la commission du Codex (Section des radioéléments).
V. Corticosurrénales et sexualité.
Dès que la chimie offrit à l’expérimentateur la cortisone, M. COURRIER voulut en rechercher l’action éventuelle dans la sphère génitale : nous avons montré son pouvoir sur des récepteurs riches en acide hyaluronique tels la crête du chapon et la peau sexuelle du singe ; nous avons comparé son action sur la corticosurrénale et le tractus génital du singe avec celle de la désoxyxorticostérone. Ces recherches furent décrites dans un rapport de M. COURRIER, de Mme BACLESSE et de moi-même sur « les relations entre la corticosurrénale et la sexualité » présenté devant l’Association des Physiologistes de langue française, en 1953.
VI. Hypothermie et multiplication cellulaire.
Enfin, grâce à une technique originale, mise au point par le physiologiste yougoslave GIAJA, j’ai provoqué l’hypothermie d’un animal homéotherme, le rat ; j’ai recherché le retentissement de l’abaissement de la température centrale de 37° à 18°, sur l’évolution de la grossesse et le développement du fœtus. J’ai constaté qu’un refroidissement quotidien du 1er au 8è jour de la grossesse entraîne un ralentissement du développement de l’embryon qui peut atteindre six jours. Au rétablissement de la température corporelle à 37° le développement des embryons reprend son cours normal. J’ai étendu cette recherche à l’action de l’hypothermie sur la multiplication des cellules tumorales d’un myélome transplantable. J’ai constaté que l’hypothermie ralentit la croissance de la tumeur transplantée et augmente la durée de la survie. Lorsque la tumeur est greffée dans une région froide de l’organisme, l’extrémité de la queue, la tumeur ne se développe plus localement. Si l’extrémité de la queue est insérée dans la cavité abdominale, la croissance de la tumeur reprend.
J’ai enfin découvert le fort pouvoir hypothermisant d’une substance anti-oxydante et réductrice, la vanilline.
VII. Recherches sur quelques problèmes de régulation en endocrinologie.
Nos recherches ont porté sur la régulation des fonctions thyroïdiennes et corticosurrénaliennes.
VIII. Histologie et embryologie.
Tels sont quelques-uns des moyens mis en œuvre dans les voies où nous nous sommes engagés. Ces voies et ces moyens peuvent paraître divers. Je voudrais néanmoins tenter de dégager l’unité de l’ensemble.
Certes, les courants de la physique, de la biochimie, de la chimie organique, de la physiologie, ne pouvaient pas laisser indifférente la morphologie expérimentale que nous essayions de servir. Mais les techniques si variées que nous avions utilisées n’avaient, en définitive, qu’un objet : interroger la cellule, le tissu, l’organe, l’organisme. Et, à chaque instant, le recours au microscope nous rappelait que l’histologie est une discipline fondamentale.
Elle m’a révélé que les oestrogènes, en provoquant des nécroses ou des transformations kystiques de l’utérus, avaient opéré une sorte d’hystérectomie hormonale dont la sanction physiologique fut la fermeture de la symphyse pubienne. Elle a montré le parallélisme entre le début de la forte fixation du radio-iode par les thyroïdes embryonnaires et l’apparition du colloïde dans les follicules de la glande. Elle a rendu possibles les études sur la réaction déciduale traumatique et sur les modalités du conditionnement hormonal de ce phénomène. Elle a analysé la réponse du cortex surrénal et du tractus génital de primates soumis à divers traitements hormonaux. Elle a identifié la nature des tumeurs provoquées par les rayons X chez le rat et le passage de certaines formes épithéliales à une forme d’aspect conjonctif. Elle m’a permis d’explorer les réactions de la gonade et du tractus génital de l’embryon du rat dont les mères ont été traitées très précocement par des hormones mâles. C’est à elle que le biochimiste Jean ROCHE nous a demandé de localiser avec précision dans la symphyse pubienne et l’utérus les activités phosphatiques alcalines tandis qu’il en mesurait, par ses propres méthodes, les variations sous l’influence d’hormones sexuelles, chez des animaux normaux ou scorbutiques. Notre analyse simultanée biochimique et histochimique d’activités enzymatiques date de 1949 et 1950, c’est-à-dire du début de l’essor de l’histochimie enzymatique en France.
Ma curiosité pour l’histologie s’est étendue à l’embryologie : étude du conditionnement maternel du développement embryonnaire, exploration de la fonction thyroïdienne fœtale, de l’action sur le fœtus des hormones sexuelles, de l’hypothermie, des rayons X. En 1956, j’ai subi avec succès les épreuves du certificat d’études supérieures d’histologie et de cytologie de la Sorbonne.
La haute récompense de mon mouvement vers l’histologie fut la confiance que m’a témoignée M. le Professeur VERNE. En 1952, M. VERNE me fit l’honneur de m’inviter à faire une conférence sur « l’endocrinologie sexuelle des singes » et en 1955, il me convia à siéger au Conseil de la Société française d’Histochimie qu’il venait de fonder. La publication du rapport sur « l’endocrinologie sexuelle des singes » dans Biologie Médicale m’a valu d’être invité par le Pr. L. LAUNOY, Directeur scientifique de cette revue, à exercer le rôle de Rédacteur en chef, rôle que j’ai continué d’exercer sous la haute direction du Pr. M. GUILLOT. Avec bonheur je constate que MM. COURRIER, ROCHE, VERNE, LAUNOY, GUILLOT étaient tous membres de l’Académie nationale de Médecine.
page suivante/ 1 / 2 / 3 / 4 / 5 / 6