La science n'apporte pas seulement à l'homme bien-être et protection ; par les transformations qu'il imprime à la condition humaine et les pouvoirs immenses qu'il nous donne, le progrès est aussi générateur de dangers et de risques pour la vie.
Tandis que la science perd sa simplicité et son innocence, la confiance fait place au doute et à l'inquiétude. L'homme se sent dépassé par les moyens d'action qu'il a créés et dont il n'est pas sûr de conserver le contrôle.
Dans cette crise, le savant éprouve une responsabilité particulière et surtout le biologiste, qui connaît le prix de la vie et sa fragilité. Pourtant les découvertes ne sauraient être mauvaises en elles-mêmes, mais dans leur usage possible pour d'autres que ceux qui les ont faites.
Il importe donc d'ouvrir le dialogue des savants avec les hommes, pour définir les menaces à la vie et les conditions de son développement, fixer l'orientation des recherches et l'utilisation de leurs résultats, discerner, dans la mutation où nous sommes impliqués, ce qui peut et doit être sauvegardé.
A l'appel des biologistes, quelques hommes venus d'horizons différents ont fondé en juillet 1961 l'INSTITUT DE LA VIE, ayant pour objet "l'étude des problèmes que pose à l'homme la conservation et le développement de la vie, ainsi que la mise en œuvre de moyens qui peuvent contribuer à résoudre ces problèmes."
Le but de l'INSTITUT DE LA VIE est de réunir des hommes de spécialités et de milieux divers pour mettre en commun leurs préoccupations, confronter leurs expériences et prendre une vue de l'avenir, qui dépasse le « court terme » auquel le rythme des affaires les condamne.
Comme son objet est universel, l'INSTITUT DE LA VIE veut être une organisation mondiale, rassemblant des hommes de tous pays, unis sans distinction de races, d'opinions ou de croyances, pour la défense de la vie, et son développement.
Une Association internationale est en voie de formation, qui groupera les Comités nationaux de l'INSTITUT DE LA VIE. Le concours apporté par plusieurs personnalités étrangères aux premiers travaux de l'Institut ; l'accueil qu'il a reçu dans de nombreux pays ; le soutien que lui donne la Fédération Mondiale des Anciens Combattants, vont déjà dans ce sens.
Les problèmes abordés par l'INSTITUT DE LA VIE se rattachent aux dangers que le progrès de la science et l'évolution de la société font courir à l'homme.
Un premier groupe de questions a trait aux menaces que l'évolution sociale fait peser sur la vie. Celles-ci sont humaines (accroissement du nombre), technologiques (progrès de l'équipement et de l'industrialisation), sociologiques (rupture des cadres traditionnels).
Un second groupe de questions a trait aux menaces que le progrès scientifique fait peser sur la vie. Elles se distinguent des précédentes surtout en ce que l'évolution est subie, tandis que le progrès est recherché : il s'agit donc ici de sciences dont l'objet – et non pas seulement l'effet – est d'agir sur la vie.
Cette action ne se borne plus à remédier à des désordres de la nature. Elle vise à en changer le cours ne limitant les naissances ou en les provoquant artificiellement ; en transformant les caractères de l'individu par des moyens physiques ou chimiques : en provoquant des mutations qui entraînent une transformation des caractères de l'espèce. L'analyse de ces questions doit se présenter comme un bilan mettant en regard le progrès des moyens de protection de l'homme et le progrès des moyens d'action qui peuvent mettre son avenir en danger.
Leur solution dépasse l'étude de la vie physique : elle suppose des choix – entre différentes vies ou qualités de vies, entre le risque et le progrès, l'individu et l'espèce – et par conséquent des jugements de valeur dont la science, sans conscience, ne suffit pas à fournir les bases.