Un regard sur Marois
Résumé de l’Institut de la Vie : sa genèse, son esprit.
Marie-Elisabeth Marois
« La création de l’Institut de la Vie m’est apparue comme l’expression d’une ferveur en même temps que le suprême défi face aux clameurs de la mort. » Maurice Marois.
« Le vent se lève, il faut tenter de vivre. » Paul Valéry.
Il m’a été demandé de présenter l’Institut de la Vie et d’en résumer son histoire. Tâche difficile, que j’exécute avec application, dans l’espoir de faire comprendre en quelques minutes l’essence et l’esprit de cette institution. J’ai donc consulté les documents dont je dispose.
L’histoire commence le 8 septembre 1960, date de naissance de l’Institut de la Vie. Son fondateur, qui sait à quel point la vie est précieuse, place les valeurs qui lui donnent son prix à la base de son édifice. Dès le départ, il s’agit de créer un lieu où l’esprit cherche à prendre corps à travers le rassemblement des « meilleurs fils de l’humanité » ; il entend par là des hommes qui contribuent à la réflexion de l’humanité sur elle-même. Déjà, le professeur Marois ressent le besoin de faire naître un nouvel organe dans ce grand corps qu’est l’humanité, en mesure d’exprimer une conscience collective capable de proclamer « l’unité de la connaissance, l’unité du genre humain, la défense et l’illustration des plus hautes valeurs. »
Face aux menaces, des savants ont pris conscience de leurs responsabilités et cherchent à diriger les destinées du globe, par-dessus les contingences politiques. Une nouvelle ère de l’humanité a débuté avec la guerre de 39-45. En 45, certains politiciens ont fait un choix de reconstruction du monde, par le développement de la science atomique, la lutte des classes, la compétition. Contre cette option périlleuse, de grands savants se sont dressés, tels que Jean Rostand et décidèrent de mettre ouvertement le monde devant son destin. Biologistes, philosophes, économistes, ecclésiastiques se regroupèrent autour du Pr. Marois et de François de Clermont-Tonnerre. Le 3 février 1962, au château de la Muette, eut lieu un événement capital, une sorte de conjuration d’hommes lucides énonçant le péril :
Le philosophe Gabriel Marcel pose le problème d’une biologie sans finalité : une intelligence technicienne isolée conduit à dévaluer la vie et à la désacraliser, jusqu’à la déshumaniser. En évacuant le sentiment du sacré, l’homme se coupe d’une articulation de celui-ci avec la vie. Il perd alors la certitude initiale, invincible, que tout être accédant à la vie expérimente. Cet homme de science ne perçoit plus que l’usure de la vie, ce qui le rend pessimiste. Un pas de plus l’amène à échanger son pessimisme contre une ambition purement technocratique, et il acquiert la prétention de maîtriser pour exploiter. Le poète, au contraire tire son art de son cœur, et son attitude révérencielle prend le contre-pied de l’attitude de celui qui exploite. Etrangement, il existe une connexion entre ces deux attitudes opposées, car ce sont les mêmes forces qui s’exercent sur l’homme et sur sa vie pour le meilleur ou pour le pire. Le problème est donc axiologique. Le principe de l’Institut de la Vie est la découverte de cette connexion. C’est pourquoi cette institution se doit de rassembler les hommes qui veulent lutter contre un développement aberrant et qui affirment l’enracinement des valeurs dans la vie.
Jean Rostand, ce même jour, avertit que le véritable ennemi de l’homme, c’est lui-même. C’est dans « La défense de l’espèce » qu’il conçoit le rôle de l’Institut de la Vie, et il propose déjà un programme :
1. Rôle d’information : chaque citoyen doit atteindre sa maturité biologique pour qu’il se prononce sur les grandes questions qui engagent l’avenir de l’espèce.
2. Rôle de recherches pour préserver le patrimoine humain (les gènes)
3. Rôle de centralisation de toutes ces données.
4. Rôle d’analyse des réformes, de toutes innovations sociales, de toutes découvertes scientifiques.
5. Constitution d’une banque de semences internationale.
« En bref, l’Institut de la Vie voudrait être un peu comme le siège des fonctions défensives de l’espèce, l’organe central par lequel l’humanité prend conscience des dangers qui la menacent et tâche de coordonner les moyens d’assurer sa protection, le lieu où l’homme se pense en tant qu’espèce, le grand quartier général de la défense de l’Homo sapiens. »
On conçoit déjà mieux ce qu’est cet Institut de la Vie : un organe d’espèce, un lieu de rassemblement des hommes qui se soucient du destin collectif, qui accordent leur pensée et unissent leurs efforts pour que l’exploitation du savoir scientifique aille dans le sens de l’humanisation.
Je poursuis ma réflexion sur ce qu’est l’Institut de la Vie, en laissant la parole à son fondateur :
« La nécessité s’impose d’édifier une structure d’accueil pour le monde qui vient, d’aller plus loin que l’histoire, de la gagner de vitesse pour que les valeurs éprouvées comme permanentes et universelles survivent à l’écroulement du monde périmé qui les a produites. La nécessité s’impose d’un organe d’espèce. Il intègrerait toutes les richesses, toutes les sagesses du passé. Il analyserait toutes les potentialités du futur et les confronterait aux aspirations et aux exigences permanentes de l’homme « indivis, temporel et intemporel » (Saint John Perse) Il aiderait les hommes à procéder à chaque instant, librement et en connaissance de cause, aux choix décisifs qui engagent leur présent et leur avenir.
Utopie, ambition démesurée, audace suprême ou suprême réalisme ? La tentative est en cours. Elle se nomme l’Institut de la Vie et porte l’espérance obstinée de la vie qui veut vivre. »
Maurice Marois
A ce stade, je retiens qu’il s’agit de défendre des valeurs permanentes et universelles, et qu’il serait bon de préciser quelles elles sont. Je comprends aussi que cette structure complexe, capable de mémoire, de prévision, a une mission éducative démocratique, qui veut donner à chacun les moyens de parvenir à un état de conscience adulte, capable de choisir librement son destin.
On est pris d’un sentiment d’urgence, face à une menace, et non des moindres : celle du suicide de l’humanité. Celle-ci est en danger tant que les valeurs universelles ne transcendent pas les valeurs locales et nationales. M. Ghisholm dans « Nécessité d’un nouveau progrès » in L’homme et son avenir, fondation Ciba, 1968, explique que c’est une nécessité biologique, depuis que l’espèce humaine ne forme plus qu’un seul groupe. Il n’est donc plus d’actualité de concevoir son système de défense par l’augmentation de son pouvoir de tuer un groupe ennemi. Ce médecin, vice-ministre de la Santé en 1945 à Toronto, puis directeur de l’OMS pendant cinq ans, appelait en 1968 à la fondation urgente d’une institution internationale ayant pour objet la survie de l’espèce humaine. Pour lui, les Nations Unies et les agences spécialisées sont « proches de ce niveau de responsabilité, mais elles reçoivent leurs instructions des autorités nationales dont les préoccupations sont accaparées par les intérêts et les avantages nationaux. Ce système et cette situation sont les indices d’un dysfonctionnement considérable de l’esprit humain et le péril est immense. » Et, l’on fait un pas de plus dans la représentation de ce que doit justement être l’Institut de la Vie : c’est bien une institution internationale, au-dessus des contingences politiques nationales, dont le rôle premier est la défense de la survie de l’espèce humaine. Lieu de suprême conscience par la magie du rassemblement des hommes lucides de la planète, lieu de vigilance, lieu de préservation d’un bien qui se transmet de génération à génération depuis des temps immémoriaux, il est la manifestation d’un choix, celui de la Vie. De ce choix découlent tous les autres.
Poursuivons nos recherches : un article de Jean Rostand intitulé « De l’ambiguïté de la science à l’Institut de la Vie », paru dans les Cahiers laïques de mars-avril 1963, précède « l’Appel d’un biologiste » sorte de Manifeste de l’Institut de la Vie rédigé par le Pr. Marois en 1960. Jean Rostand nous alerte et précise l’une des missions de cet Institut. Voici ce qu’il dit : « Dans les conséquences du progrès scientifique, le bien et le mal s’entremêlent. La loi de salut et de paix a ses victimes, comme la loi de sang et de mort. Cette ambiguïté essentielle de la science est une notion moderne. […]Conflit entre l’ambition technique de l’homme et sa sécurité biologique, conflit entre les intérêts de l’individu et les intérêts de l’espèce. Et ce sera l’une des tâches du jeune Institut de la Vie, que de rechercher les moyens d’abolir ou tout du moins d’atténuer ces dangereux antagonismes. »
Il s’agit d’assurer les fonctions de comité d’éthique, qui évalue pour chaque progrès scientifique, les conséquences de son application, tant pour l’individu que pour la collectivité. Et cette tâche est d’autant plus délicate que le bien et le mal sont désormais intriqués.
A ce stade de notre auscultation des documents, nous avons une idée de ce que doit être l’Institut de la Vie. J’aimerais montrer ce qui a poussé son fondateur à remuer ciel et terre pour lui donner vie et activité.
Tout d’abord, c’est le vertige du néant qui a saisi le Pr. Marois : « Je n’arriverai pas à accepter l’idée que je sombrerai dans le néant », confie-t-il au micro de Jacques Chancel, lors d’une Radioscopie, le 14 janvier 1976. « Vous avez des problèmes avec la mort » dit en substance J. Chancel. Plus loin, celui-ci lui demande comment il se résoudra à mourir. Le professeur trouve une parade scientifique pour justifier le scandale de la mort : la vie peut concevoir des êtres immortels. Mais dans ce cas, on est enfermé dans un monde d’ennui, sans possibilité d’histoire, de variation, d’adaptation. C’est pourquoi il a fallu introduire la mort pour favoriser de nouvelles expressions du protoplasme. La mort, dans ce cas, est la servante de la vie. On approuve intellectuellement cette position du scientifique froid. Mais la digue que ce dernier oppose au cri immense du poète qui est tapi en lui ne résiste pas : « La grande question jusqu’à mon dernier jour, sans avoir une réponse, à moins d’une grâce exceptionnelle, c’est la recherche du sens… Pourquoi se trouve-t-il que le poumon respire ? … Je m’interroge. »
Quant à la mort, il faut bien l’accepter, en la concevant comme le retour à l’universel devenir.
Ce serait fort mal connaître Maurice Marois que de croire qu’il va se laisser terrasser par cette angoisse et ce sentiment de l’absurdité de l’existence. La réaction est immédiate : il faut s’attacher à un bien commun, à une valeur universelle, tellement évidente qu’on oublie de la considérer : la VIE, évidemment. La vie, thème « politiquement neuf », qui nous laisse pantois quand on voit l’audace du professeur. Il s’empare de ce thème, le propose comme enjeu commun à l’ensemble du groupe humain pour aujourd’hui et pour les siècles futurs. A qui s’adresse-t-il ? A M. Reagan, à M. Gorbatchev, etc.… Ecoutez plutôt un passage de ce Message aux chefs d’Etat et de gouvernement, du 15 mai 1979 :
« Nous voulons aller à l’essentiel, c’est-à-dire à la vie, vérité immédiate, principe simple et incontestable, bien premier, facteur d’unité, unique trésor du monde vivant. Et notre patrie n’est pas seulement nationale et terrestre ! Elle est la vie. »
S’est-il bien fait comprendre ?
Ceux qui estiment le professeur frémissent d’appréhension : dans quoi s’est-il aventuré ? Il va être remercié poliment, on va le prendre pour un doux rêveur, un fou inoffensif… Ceux qui l’estiment souffrent des suites de son entreprise : est-ce que la proclamation de la Vie est le sujet des préoccupations de ces grands hommes politiques qui font le destin des peuples ?… Comment ose-t-il prétendre qu’il a la solution aux conflits mondiaux ?
« En ce moment sensible de l’Histoire, à la charnière entre deux ères, l’Institut de la Vie appelle le temps où, dans le respect des différences et au-delà des différends, tous les hommes de la terre porteront ensemble un même regard sur le véritable et unique enjeu : la sauvegarde et l’épanouissement de la vie et de leur propre vie. »
La réponse arrive, elle est surprenante, car le professeur a été pris au sérieux, ce professeur a touché l’homme derrière la bête politique ; il a réveillé une pensée humaniste chez ceux qui manient la langue de bois ou la pensée unique ou encore la propagande.
La Vie est donc une idée géniale pour unifier les hommes dans cet Institut dont on a vu précédemment la nature et le rôle. C’est pour Maurice Marois le seul moyen de conjurer son angoisse. Maintenant qu’il a trouvé l’idée à opposer à l’anéantissement, il passe à l’action, car « pour l’homme de science, toute pensée se traduit en principe d’action. L’homme de science n’aime pas susciter l’angoisse ni la cultiver. Il résout par l’action les interrogations de son tourment…La science n’est pas contemplation statique ni délectation morose. » (« Appel d’un biologiste », 1960)
Cette fois-ci tout est dit, y compris la source de cette initiative.
Finalement, l’Institut de la Vie, qu’est-ce que c’est ?
« Organe d’analyse objective de la mouvante condition humaine, organe de perception du possible ignoré, de libre projection vers l’avenir et de surpassement, de confiance dans les forces inventives de l’esprit et du cœur, de proposition de solutions concrètes, l’Institut de la Vie allie la rigueur et la ferveur. Il concilie raison et inspiration, logique et mythe. […] Il vit l’instant privilégié, cet instant unique où la conscience collective perçoit enfin la vivante unité du groupe humain. Il vit l’effervescence des périodes créatrices : recréation et ressourcement. Et la conscience constituée de l’Institut de la Vie continue d’être conscience constituante. Il fête la réconciliation de l’homme avec lui-même. Il tente de sceller l’alliance de l’homme et de la vie. Lui suffira-t-il d’être un témoin et une conscience ? »
« L’Institut de la Vie continuera d’analyser la condition humaine pour aider les hommes à choisir les voies de leur destin. » (La légende des millénaires, pp148-149).
Pour parvenir à ce que l’Institut de la Vie redevienne une réalité concrète, il faut réfléchir de nouveau sur la question lancinante de la structure. Jacques Rueff, dans son « Essai sur les relations de l’économie avec la vie » en 1965, explique que « dans notre monde, l’existence se donne par la formation d’un lieu social. Ce qui n’existe pas n’est pas organisé. ». Une société nouvelle qui émerge est dotée d’un comportement caractérisé, lequel est le produit de son activité sociale…. « Une société est un faisceau de comportements solidaires. » J’en déduis que du nouveau rassemblement d’hommes dotés d’une grande intégrité morale et qui se reconnaissent dans les idées et le programme de l’Institut de la Vie, en un lieu déterminé, naît l’Institut de la Vie en tant que personnalité morale, de stature internationale.
Tout a été dit, tout a été prévu dans le détail, avec des statuts juridiques spécialement conçus par René Cassin et Pierre Huett. En effet, cette idée politiquement neuve qu’est la vie impose d’innover un cadre juridique qui préserve cette institution de tous les aléas de la vie et toutes les dérives possibles. Pour perdurer, cet organisme doit conserver l’esprit de son fondateur, tâche la plus difficile. Déjà, en 1965, Pierre Huet, confiait à ses interlocuteurs que « pour se transformer en missionnaires délégués de M. Marois, dans les contrées plus ou moins lointaines qui n’ont pas été touchées par son action évangélique, il fallait avoir une idée plus précise du domaine et des objectifs de notre action, de notre programme ». A cette époque, Pierre Huet prévoyait l’internationalisation de l’Institut de la Vie.
1977 est l’année qui voit la naissance de l’Institut de la Vie à l’échelle mondiale. Les statuts juridiques de cet organisme désormais complexe attestent son existence sociale. Un organigramme apparaît. On y trouve désignés dans leur structure, composition et fonctions, divers organes reliés entre eux. A la base, les Comités nationaux, coordonnés par le Congrès Mondial. Au sommet, le Conseil Mondial de Direction. Des organes intermédiaires permettent la réalisation des actions : c’est l’Agence Mondiale qui exécute les missions de l’Institut de la Vie. Elle reçoit de la Fondation Mondiale les moyens matériels et financiers. Enfin, un Comité Mondial a en charge les relations avec les gouvernements signataires de la Convention. L’examen attentif de cette répartition des rôles montre la sagesse de ceux qui ont conçu ces statuts, seuls garants d’une existence de l’Institut de la Vie conforme à ses valeurs fondatrices.
Le fondateur, Maurice Marois, a souffert de voir son utopie sombrer apparemment dans le néant. Mais je crois que son œuvre l’a dépassé. Maurice Marois était porteur d’un projet dont nous ne prenions pas la mesure, projet que nous avions du mal à conceptualiser. Le déclin de son institution n’est que passager. Prenons-le pour une crise de croissance telle que l’expérimente tout organisme. Ce début du troisième millénaire a été témoin d’une éclipse de l’astre né en 1960. Mais l’Institut de la Vie est toujours vivant, d’une vie qui s’impose avec la majesté d’une évidence. Elle est le fruit d’une nécessité apparue au cours de l’évolution de l’humanité ; elle est apte à relever les défis mondiaux contemporains, pour préserver, maintenir, développer et magnifier la vie qui veut vivre.
Puisque l’on a compris que l’Institut de la Vie est bien plus que la rêverie d’un scientifique poète, qu’il a l’aval de grands penseurs et qu’il a une armature très sophistiquée, on a compris aussi que l’Institut de la Vie continue son parcours. Puisque non seulement il est vivant, mais qu’il peut se projeter dans l’avenir, il est temps de rappeler les grandes lignes dans lesquelles s’inscriront les idées nouvelles :
A) Les conférences internationales :
I) Sciences fondamentales : De la physique théorique à la biologie.
II)Science appliquée à des œuvres de vie :
- l’icpemc.
- prévention des handicaps physiques et mentaux.
- Vieillissement, un défi pour la science et la politique sociale.
- Vers un plan d’action pour l’humanité : besoins, ressources, méthodes et prévisions.
- La science de la population.
- L’habitat humain.
- L’homme et l’informatique.
- Chimiothérapies des maladies respiratoires.
B) Les prix de l’Institut de la Vie :
1) Prix sur la valeur de la vie (fondation BP) : Mac bride ; Jean Bernard.
2) Prix sur l’environnement (EDF)
3) Prix sur l’environnement urbain (BNP-Paribas)
4) Prix sur l’éducation (MGEN) : Jean Piaget, Jean Rostand et Marcellin Bachalard, BBC
5) Prix sur les problèmes de handicap (ciments Lafargue) : Jean Vanier.
6) Prix LVMH sur la biotechnologie.
Aujourd’hui plus que jamais, le discours du Pr. Marois est actuel. Les débats publiques organisés par la BnF à l’occasion de son exposition « L’Europe des Lumières » ont précisé l’état du monde contemporain, les défis qu’il a à surmonter, les dangers et les attentes des humains :
A l’heure de la mondialisation, une très faible partie de l’humanité ayant choisi la logique de marché et de profit, décide du sort des autres, souvent réduits à des conditions de vie précaires. Les immenses progrès de la science dans tous les domaines la font éclater en disciplines hautement spécialisées qui sont l’affaire d’experts, au détriment d’une vision globale et unificatrice du monde. Face à la mécanique inhumaine du profit, l’homme se trouve réduit à l’état de machine ou de produit. Le cynisme de ceux à qui profite l’économie de marché dans laquelle l’homme perd son identité et sa dignité, provoque une réaction de repli avec résurgence des communautarismes, des idéologies « obscurantistes ».
On voit aussi se développer un nouveau comportement qui est la conséquence du peu de cas qui est fait de l’être humain, celui qui consiste à se forger une « identité victimaire » qui se décline sur un large spectre : victime de racisme, de ségrégation religieuse, de harcèlement sexuel, victime de handicap congénital, d’accidents de toutes sortes… Toutes ces victimes réclament réparation pour le préjudice dont elles se sentent l’objet. L’Etat Providence doit répondre à cette demande qui n’est autre qu’un appel à la reconnaissance de chacun en tant qu’être humain inscrit dans une collectivité respectueuse, apte à la compassion et au partage des richesses.
L’aspect le plus inquiétant de notre monde est l’impression que l’homme perd la maîtrise de son destin : dépassé par la technique, il ne sait plus où il en est ni où il va. Ceci a été résumé ainsi : il n’y a plus de fin, il n’y a plus que les moyens pour les moyens. C’est donc la constatation que notre monde s’emballe et peut courir à sa perte. C’est le vertige de la perte de sens, de l’absence de transcendance cruellement ressentie.
L’Institut de la Vie peut répondre à ces problèmes, car il a une vision unificatrice rappelant l’unité du genre humain. Il ne prétend pas détenir la solution, ni la vérité. Il n’énonce pas de doctrine. Fort de quarante ans de maturation, fort d’une pensée, celle de son fondateur, qui a mis une vie à s’édifier, il offre le dernier projet du professeur Marois : le Centre Mondial de la Destinée humaine.
L’idée de l’Institut de la Vie, je le répète, est simple : « la vie, vérité immédiate, principe simple et incontestable, facteur d’unité, unique trésor du monde vivant. ». « Notre patrie est la Vie ». Idée tellement simple qu’elle déconcerte tout le monde. Est-ce vraiment la réponse à la complexité des menaces qui pèsent sur l’humanité ? Cette idée est à l’image de son héraut : homme qui a atteint la sagesse à force d’interrogations, homme qui, après réflexion, discussions, erreurs, a fait son choix : « porter l’espérance obstinée de la vie qui veut vivre ».
Cet homme a fini son parcours terrestre. Malgré une angoisse de mort qui menaçait de le terrasser à chaque instant de sa vie, le moment venu, il a su l’accueillir avec humilité. Sans accabler son entourage de plaintes et de lamentations sur sa propre décrépitude, il a eu la noblesse d’aller jusqu’au bout de sa vie en restant habité par un hymne à la vie. Gardant pour lui ses doutes, en homme de science difficile à mystifier, il a su se faire aimer jusqu’à son dernier souffle. Le redoutable intellectuel, rompu aux exercices de rhétorique, a déposé son armure. A la fin de sa vie, il a fréquenté les jardins publiques. Assis sur un banc, il s’émerveillait en observant les petits enfants qui gazouillaient, les chiens affairés ou les oiseaux en quête de quelque miette de pain. Cette contemplation de la vie dans sa profusion et dans son insouciante manifestation le comblait.
En tant que son enfant, je sais que pour lui, le néant consistait à sombrer dans l’océan de l’oubli. Je me sens le devoir filial de perpétuer sa mémoire et de transmettre son œuvre. J’ose espérer que contribuer au rayonnement de l’Institut de la Vie est aussi un acte civique, car je crois qu’il est du devoir de tout homme lucide et responsable de poursuivre cette œuvre tout en l’adaptant aux nouvelles exigences. « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ».
A Paris, le 14 juin 2006