"Le vent se lève, il faut tenter de vivre."
Paul Valéry.
Il m'a été demandé de présenter l'Institut de la Vie et d'en résumer son histoire. Tâche difficile, que j'exécute avec application, dans l'espoir de faire comprendre en quelques minutes l'essence et l'esprit de cette institution. J'ai donc consulté les documents dont je dispose.
L'histoire commence le 8 septembre 1960, date de naissance de
l'Institut de la Vie. Son fondateur, qui sait à quel point
la vie est précieuse, place les valeurs qui lui donnent son
prix à la base de son édifice. Dès le
départ, il s'agit de créer un lieu où
l'esprit cherche à prendre corps à travers le
rassemblement des "meilleurs fils de l'humanité." il entend
par là des hommes qui contribuent à la
réflexion de l'humanité sur elle-même.
Déjà, le professeur Marois ressent le besoin de
faire naître un nouvel organe dans ce grand corps qu'est
l'humanité, en mesure d'exprimer une conscience collective
capable de proclamer "l'unité de la connaissance,
l'unité du genre humain, la défense et
l'illustration des plus hautes valeurs."
Face aux menaces, des savants ont pris conscience de leurs
responsabilités et cherchent à diriger les
destinées du globe, par-dessus les contingences politiques.
Une nouvelle ère de l'humanité a
débuté avec la guerre de 39-45. En 45, certains
politiciens ont fait un choix de reconstruction du monde, par le
développement de la science atomique, la lutte des classes,
la compétition. Contre cette option périlleuse,
de grands savants se sont dressés, tels que Jean Rostand et
décidèrent de mettre ouvertement le monde devant
son destin. Biologistes, philosophes, économistes,
ecclésiastiques se regroupèrent autour du Pr.
Marois et de François de Clermont-Tonnerre. Le 3
février 1962, au château de la Muette, eut lieu un
événement capital, une sorte de conjuration
d'hommes lucides énonçant le péril :
Le philosophe Gabriel Marcel pose le problème d'une biologie
sans finalité : une intelligence technicienne
isolée conduit à dévaluer la vie et
à la désacraliser, jusqu'à la
déshumaniser. En évacuant le sentiment du
sacré, l'homme se coupe d'une articulation de celui-ci avec
la vie. Il perd alors la certitude initiale, invincible, que tout
être accédant à la vie
expérimente. Cet homme de science ne perçoit plus
que l'usure de la vie, ce qui le rend pessimiste. Un pas de plus
l'amène à échanger son pessimisme
contre une ambition purement technocratique, et il acquiert la
prétention de maîtriser pour exploiter. Le
poète, au contraire tire son art de son cœur, et
son attitude révérencielle prend le contre-pied
de l'attitude de celui qui exploite. Etrangement, il existe une
connexion entre ces deux attitudes opposées, car ce sont les
mêmes forces qui s'exercent sur l'homme et sur sa vie pour le
meilleur ou pour le pire. Le problème est donc axiologique.
Le principe de l'Institut de la Vie est la découverte de
cette connexion. C'est pourquoi cette institution se doit de rassembler
les hommes qui veulent lutter contre un développement
aberrant et qui affirment l'enracinement des valeurs dans la vie.
Jean Rostand, ce même jour, avertit que le
véritable ennemi de l'homme, c'est lui-même. C'est
dans "La défense de l'espèce" qu'il
conçoit le rôle de l'Institut de la Vie, et il
propose déjà un programme :
1. Rôle d'information : chaque citoyen doit atteindre sa
maturité biologique pour qu'il se prononce sur les grandes
questions qui engagent l'avenir de l'espèce.
2. Rôle de recherches pour préserver le patrimoine
humain (les gènes)
3. Rôle de centralisation de toutes ces données.
4. Rôle d'analyse des réformes, de toutes
innovations sociales, de toutes découvertes scientifiques.
5. Constitution d'une banque de semences internationale.
"En bref, l'Institut de la Vie voudrait être un peu comme le
siège des fonctions défensives de
l'espèce, l'organe central par lequel l'humanité
prend conscience des dangers qui la menacent et tâche de
coordonner les moyens d'assurer sa protection, le lieu où
l'homme se pense en tant qu'espèce, le grand quartier
général de la défense de l'Homo
sapiens."
On conçoit déjà mieux ce qu'est cet
Institut de la Vie : un organe d'espèce, un lieu de
rassemblement des hommes qui se soucient du destin collectif, qui
accordent leur pensée et unissent leurs efforts pour que
l'exploitation du savoir scientifique aille dans le sens de
l'humanisation.
Je poursuis ma réflexion sur ce qu'est l'Institut de la Vie,
en laissant la parole à son fondateur :
"La nécessité s'impose d'édifier une
structure d'accueil pour le monde qui vient, d'aller plus loin que
l'histoire, de la gagner de vitesse pour que les valeurs
éprouvées comme permanentes et universelles
survivent à l'écroulement du monde
périmé qui les a produites. La
nécessité s'impose d'un organe
d'espèce. Il intègrerait toutes les richesses,
toutes les sagesses du passé. Il analyserait toutes les
potentialités du futur et les confronterait aux aspirations
et aux exigences permanentes de l'homme "indivis, temporel et
intemporel" (Saint John Perse) Il aiderait les hommes à
procéder à chaque instant, librement et en
connaissance de cause, aux choix décisifs qui engagent leur
présent et leur avenir.
Utopie, ambition démesurée, audace
suprême ou suprême réalisme ? La
tentative est en cours. Elle se nomme l'Institut de la Vie et porte
l'espérance obstinée de la vie qui veut vivre."
Maurice Marois
A ce stade, je retiens qu'il s'agit de défendre des
valeurs permanentes et universelles, et qu'il serait bon de
préciser quelles elles sont. Je comprends aussi que cette
structure complexe, capable de mémoire, de
prévision, a une mission éducative
démocratique, qui veut donner à chacun les moyens
de parvenir à un état de conscience adulte,
capable de choisir librement son destin.
On est pris d'un sentiment d'urgence, face à une menace, et
non des moindres : celle du suicide de l'humanité. Celle-ci
est en danger tant que les valeurs universelles ne transcendent pas les
valeurs locales et nationales. M. Ghisholm dans
"Nécessité d'un nouveau progrès" in
L'homme et son avenir, fondation Ciba, 1968, explique que c'est une
nécessité biologique, depuis que
l'espèce humaine ne forme plus qu'un seul groupe. Il n'est
donc plus d'actualité de concevoir son système de
défense par l'augmentation de son pouvoir de tuer un groupe
ennemi. Ce médecin, vice-ministre de la Santé en
1945 à Toronto, puis directeur de l'OMS pendant cinq ans,
appelait en 1968 à la fondation urgente d'une institution
internationale ayant pour objet la survie de l'espèce
humaine. Pour lui, les Nations Unies et les agences
spécialisées sont "proches de ce niveau de
responsabilité, mais elles reçoivent leurs
instructions des autorités nationales dont les
préoccupations sont accaparées par les
intérêts et les avantages nationaux. Ce
système et cette situation sont les indices d'un
dysfonctionnement considérable de l'esprit humain et le
péril est immense." Et, l'on fait un pas de plus dans la
représentation de ce que doit justement être
l'Institut de la Vie : c'est bien une institution internationale,
au-dessus des contingences politiques nationales, dont le
rôle premier est la défense de la survie de
l'espèce humaine. Lieu de suprême conscience par
la magie du rassemblement des hommes lucides de la planète,
lieu de vigilance, lieu de préservation d'un bien qui se
transmet de génération à
génération depuis des temps
immémoriaux, il est la manifestation d'un choix, celui de la
Vie. De ce choix découlent tous les autres.
Poursuivons nos recherches : un article de Jean Rostand
intitulé "De l'ambiguïté de la science
à l'Institut de la Vie", paru dans les Cahiers
laïques de mars-avril 1963, précède
"l'Appel d'un biologiste" sorte de Manifeste de l'Institut de la Vie
rédigé par le Pr. Marois en 1960. Jean Rostand
nous alerte et précise l'une des missions de cet Institut.
Voici ce qu'il dit : "Dans les conséquences du
progrès scientifique, le bien et le mal
s'entremêlent. La loi de salut et de paix a ses victimes,
comme la loi de sang et de mort. Cette ambiguïté
essentielle de la science est une notion moderne. […]Conflit
entre l'ambition technique de l'homme et sa
sécurité biologique, conflit entre les
intérêts de l'individu et les
intérêts de l'espèce. Et ce sera l'une
des tâches du jeune Institut de la Vie, que de rechercher les
moyens d'abolir ou tout du moins d'atténuer ces dangereux
antagonismes."
Il s'agit d'assurer les fonctions de comité
d'éthique, qui évalue pour chaque
progrès scientifique, les conséquences de son
application, tant pour l'individu que pour la collectivité.
Et cette tâche est d'autant plus délicate que le
bien et le mal sont désormais intriqués.
A ce stade de notre auscultation des documents, nous avons une
idée de ce que doit être l'Institut de la Vie.
J'aimerais montrer ce qui a poussé son fondateur
à remuer ciel et terre pour lui donner vie et
activité.
Tout d'abord, c'est le vertige du néant qui a saisi le Pr.
Marois : "Je n'arriverai pas à accepter l'idée
que je sombrerai dans le néant", confie-t-il au micro de
Jacques Chancel, lors d'une Radioscopie, le 14 janvier 1976. "Vous avez
des problèmes avec la mort" dit en substance J. Chancel.
Plus loin, celui-ci lui demande comment il se résoudra
à mourir. Le professeur trouve une parade scientifique pour
justifier le scandale de la mort : la vie peut concevoir des
êtres immortels. Mais dans ce cas, on est enfermé
dans un monde d'ennui, sans possibilité d'histoire, de
variation, d'adaptation. C'est pourquoi il a fallu introduire la mort
pour favoriser de nouvelles expressions du protoplasme. La mort, dans
ce cas, est la servante de la vie. On approuve intellectuellement cette
position du scientifique froid. Mais la digue que ce dernier oppose au
cri immense du poète qui est tapi en lui ne
résiste pas : "La grande question jusqu'à mon
dernier jour, sans avoir une réponse, à moins
d'une grâce exceptionnelle, c'est la recherche du
sens… Pourquoi se trouve-t-il que le poumon respire ?
… Je m'interroge."
Quant à la mort, il faut bien l'accepter, en la concevant
comme le retour à l'universel devenir.
Ce serait fort mal connaître Maurice Marois que de
croire qu'il va se laisser terrasser par cette angoisse et ce sentiment
de l'absurdité de l'existence. La réaction est
immédiate : il faut s'attacher à un bien commun,
à une valeur universelle, tellement évidente
qu'on oublie de la considérer : la VIE,
évidemment. La vie, thème "politiquement neuf",
qui nous laisse pantois quand on voit l'audace du professeur. Il
s'empare de ce thème, le propose comme enjeu commun
à l'ensemble du groupe humain pour aujourd'hui et pour les
siècles futurs. A qui s'adresse-t-il ? A M. Reagan,
à M. Gorbatchev, etc.… Ecoutez plutôt
un passage de ce Message aux chefs d'Etat et de gouvernement, du 15 mai
1979 :
"Nous voulons aller à l'essentiel, c'est-à-dire
à la vie, vérité immédiate,
principe simple et incontestable, bien premier, facteur
d'unité, unique trésor du monde vivant. Et notre
patrie n'est pas seulement nationale et terrestre ! Elle est la vie."
S'est-il bien fait comprendre ?
Ceux qui estiment le professeur frémissent
d'appréhension : dans quoi s'est-il aventuré ? Il
va être remercié poliment, on va le prendre pour
un doux rêveur, un fou inoffensif… Ceux qui
l'estiment souffrent des suites de son entreprise : est-ce que la
proclamation de la Vie est le sujet des préoccupations de
ces grands hommes politiques qui font le destin des peuples
?… Comment ose-t-il prétendre qu'il a la solution
aux conflits mondiaux ?
"En ce moment sensible de l'Histoire, à la
charnière entre deux ères, l'Institut de la Vie
appelle le temps où, dans le respect des
différences et au-delà des différends,
tous les hommes de la terre porteront ensemble un même regard
sur le véritable et unique enjeu : la sauvegarde et
l'épanouissement de la vie et de leur propre vie."
La réponse arrive, elle est surprenante, car le professeur a
été pris au sérieux, ce professeur a
touché l'homme derrière la bête
politique ; il a réveillé une pensée
humaniste chez ceux qui manient la langue de bois ou la
pensée unique ou encore la propagande.
La Vie est donc une idée géniale pour unifier les
hommes dans cet Institut dont on a vu
précédemment la nature et le rôle.
C'est pour Maurice Marois le seul moyen de conjurer son angoisse.
Maintenant qu'il a trouvé l'idée à
opposer à l'anéantissement, il passe à
l'action, car "pour l'homme de science, toute pensée se
traduit en principe d'action. L'homme de science n'aime pas susciter
l'angoisse ni la cultiver. Il résout par l'action les
interrogations de son tourment…La science n'est pas
contemplation statique ni délectation morose." ("Appel d'un
biologiste", 1960)
Cette fois-ci tout est dit, y compris la source de cette initiative.
Finalement, l'Institut de la Vie, qu'est-ce que c'est ?
"Organe d'analyse objective de la mouvante condition humaine, organe de
perception du possible ignoré, de libre projection vers
l'avenir et de surpassement, de confiance dans les forces inventives de
l'esprit et du cœur, de proposition de solutions
concrètes, l'Institut de la Vie allie la rigueur et la
ferveur. Il concilie raison et inspiration, logique et mythe.
[…] Il vit l'instant privilégié, cet
instant unique où la conscience collective
perçoit enfin la vivante unité du groupe humain.
Il vit l'effervescence des périodes créatrices :
recréation et ressourcement. Et la conscience
constituée de l'Institut de la Vie continue d'être
conscience constituante. Il fête la réconciliation
de l'homme avec lui-même. Il tente de sceller l'alliance de
l'homme et de la vie. Lui suffira-t-il d'être un
témoin et une conscience ?"
"L'Institut de la Vie continuera d'analyser la condition humaine pour
aider les hommes à choisir les voies de leur destin." (La
légende des millénaires, pp148-149).
Pour parvenir à ce que l'Institut de la Vie
redevienne une réalité concrète, il
faut réfléchir de nouveau sur la question
lancinante de la structure. Jacques Rueff, dans son "Essai sur les
relations de l'économie avec la vie" en 1965, explique que
"dans notre monde, l'existence se donne par la formation d'un lieu
social. Ce qui n'existe pas n'est pas organisé.". Une
société nouvelle qui émerge est
dotée d'un comportement caractérisé,
lequel est le produit de son activité sociale….
"Une société est un faisceau de comportements
solidaires." J'en déduis que du nouveau rassemblement
d'hommes dotés d'une grande intégrité
morale et qui se reconnaissent dans les idées et le
programme de l'Institut de la Vie, en un lieu
déterminé, naît l'Institut de la Vie en
tant que personnalité morale, de stature internationale.
Tout a été dit, tout a été
prévu dans le détail, avec des statuts juridiques
spécialement conçus par René Cassin et
Pierre Huett. En effet, cette idée politiquement neuve
qu'est la vie impose d'innover un cadre juridique qui
préserve cette institution de tous les aléas de
la vie et toutes les dérives possibles. Pour perdurer, cet
organisme doit conserver l'esprit de son fondateur, tâche la
plus difficile. Déjà, en 1965, Pierre Huet,
confiait à ses interlocuteurs que "pour se transformer en
missionnaires délégués de M. Marois,
dans les contrées plus ou moins lointaines qui n'ont pas
été touchées par son action
évangélique, il fallait avoir une idée
plus précise du domaine et des objectifs de notre action, de
notre programme". A cette époque, Pierre Huet
prévoyait l'internationalisation de l'Institut de la Vie.
1977 est l'année qui voit la naissance de l'Institut de la Vie à l'échelle mondiale. Les statuts juridiques de cet organisme désormais complexe attestent son existence sociale. Un organigramme apparaît. On y trouve désignés dans leur structure, composition et fonctions, divers organes reliés entre eux. A la base, les Comités nationaux, coordonnés par le Congrès Mondial. Au sommet, le Conseil Mondial de Direction. Des organes intermédiaires permettent la réalisation des actions : c'est l'Agence Mondiale qui exécute les missions de l'Institut de la Vie. Elle reçoit de la Fondation Mondiale les moyens matériels et financiers. Enfin, un Comité Mondial a en charge les relations avec les gouvernements signataires de la Convention. L'examen attentif de cette répartition des rôles montre la sagesse de ceux qui ont conçu ces statuts, seuls garants d'une existence de l'Institut de la Vie conforme à ses valeurs fondatrices.
Le fondateur, Maurice Marois, a souffert de voir son utopie sombrer apparemment dans le néant. Mais je crois que son œuvre l'a dépassé. Maurice Marois était porteur d'un projet dont nous ne prenions pas la mesure, projet que nous avions du mal à conceptualiser. Le déclin de son institution n'est que passager. Prenons-le pour une crise de croissance telle que l'expérimente tout organisme. Ce début du troisième millénaire a été témoin d'une éclipse de l'astre né en 1960. Mais l'Institut de la Vie est toujours vivant, d'une vie qui s'impose avec la majesté d'une évidence. Elle est le fruit d'une nécessité apparue au cours de l'évolution de l'humanité ; elle est apte à relever les défis mondiaux contemporains, pour préserver, maintenir, développer et magnifier la vie qui veut vivre.
Puisque l'on a compris que l'Institut de la Vie est bien plus que la rêverie d'un scientifique poète, qu'il a l'aval de grands penseurs et qu'il a une armature très sophistiquée, on a compris aussi que l'Institut de la Vie continue son parcours. Puisque non seulement il est vivant, mais qu'il peut se projeter dans l'avenir, il est temps de rappeler les grandes lignes dans lesquelles s'inscriront les idées nouvelles :
Aujourd'hui plus que jamais, le discours du Pr. Marois est
actuel. Les débats publiques organisés par la BnF
à l'occasion de son exposition "L'Europe des
Lumières" ont précisé
l'état du monde contemporain, les défis qu'il a
à surmonter, les dangers et les attentes des humains :
A l'heure de la mondialisation, une très faible partie de
l'humanité ayant choisi la logique de marché et
de profit, décide du sort des autres, souvent
réduits à des conditions de vie
précaires. Les immenses progrès de la science
dans tous les domaines la font éclater en disciplines
hautement spécialisées qui sont l'affaire
d'experts, au détriment d'une vision globale et unificatrice
du monde. Face à la mécanique inhumaine du
profit, l'homme se trouve réduit à
l'état de machine ou de produit. Le cynisme de ceux
à qui profite l'économie de marché
dans laquelle l'homme perd son identité et sa
dignité, provoque une réaction de repli avec
résurgence des communautarismes, des idéologies
"obscurantistes". On voit aussi se développer un nouveau
comportement qui est la conséquence du peu de cas qui est
fait de l'être humain, celui qui consiste à se
forger une "identité victimaire" qui se décline
sur un large spectre : victime de racisme, de
ségrégation religieuse, raciale, de
harcèlement sexuel, victime de handicap
congénital, d'accidents de toutes sortes… Toutes
ces victimes réclament réparation pour le
préjudice dont elles se sentent l'objet. L'Etat Providence
doit répondre à cette demande qui n'est autre
qu'un appel à la reconnaissance de chacun en tant
qu'être humain inscrit dans une collectivité
respectueuse, apte à la compassion et au partage des
richesses. L'aspect le plus inquiétant de notre monde est
l'impression que l'homme perd la maîtrise de son destin :
dépassé par la technique, il ne sait plus
où il en est ni où il va. Ceci a
été résumé ainsi : il n'y a
plus de fin, il n'y a plus que les moyens pour les moyens. C'est donc
la constatation que notre monde s'emballe et peut courir à
sa perte. C'est le vertige de la perte de sens, de l'absence de
transcendance cruellement ressentie.
L'Institut de la Vie peut répondre à ces
problèmes, car il a une vision unificatrice rappelant
l'unité du genre humain. Il ne prétend pas
détenir la solution, ni la vérité. Il
n'énonce pas de doctrine. Fort de quarante ans de
maturation, fort d'une pensée, celle de son fondateur, qui a
mis une vie à s'édifier, il offre le dernier
projet du professeur Marois : le Centre Mondial de la
Destinée humaine. L'idée de l'Institut de la Vie,
je le répète, est simple : "la vie,
vérité immédiate, principe simple et
incontestable, facteur d'unité, unique trésor du
monde vivant.". "Notre patrie est la Vie". Idée tellement
simple qu'elle déconcerte tout le monde. Est-ce vraiment la
réponse à la complexité des menaces
qui pèsent sur l'humanité ? Cette idée
est à l'image de son héraut : homme qui a atteint
la sagesse à force d'interrogations, homme qui,
après réflexion, discussions, erreurs, a fait son
choix : "porter l'espérance obstinée de la vie
qui veut vivre"
Cet homme a fini son parcours terrestre. Malgré une angoisse de mort qui menaçait de le terrasser à chaque instant de sa vie, le moment venu, il a su l'accueillir avec humilité. Sans accabler son entourage de plaintes et de lamentations sur sa propre décrépitude, il a eu la noblesse d'aller jusqu'au bout de sa vie en restant habité par un hymne à la vie. Gardant pour lui ses doutes, en homme de science difficile à mystifier, il a su se faire aimer jusqu'à son dernier souffle. Le redoutable intellectuel, rompu aux exercices de rhétorique, a déposé son armure. A la fin de sa vie, il a fréquenté les jardins publiques. Assis sur un banc, il s'émerveillait en observant les petits enfants qui gazouillaient, les chiens affairés ou les oiseaux en quête de quelque miette de pain. Cette contemplation de la vie dans sa profusion et dans son insouciante manifestation le comblait. En tant que son enfant, je sais que pour lui, le néant consistait à sombrer dans l'océan de l'oubli. Je me sens le devoir filial de perpétuer sa mémoire et de transmettre son œuvre. J'ose espérer que contribuer au rayonnement de l'Institut de la Vie est aussi un acte civique, car je crois qu'il est du devoir de tout homme lucide et responsable de poursuivre cette œuvre tout en l'adaptant aux nouvelles exigences. "Le vent se lève, il faut tenter de vivre".
A Paris, le 14 juin 2006